Nous exprimons beaucoup de choses au quotidien, volontaires ou non, non verbales, paraverbales et verbales. En ce qui concerne notre communication verbale, nos mots, notre vocabulaire, sont au cœur de notre expression. Et suivant les contextes, la langue de bois ou au contraire des mots hauts en couleurs peuvent être les plus grands gardiens de nos sentiments intérieurs, nos réflexions, nos pensées premières sans filtre.
Comment protéger notre pensée intérieure ? Comment lui éviter de se retrouver au milieu d’une discussion, comment ne pas blesser les autres, ne pas dire, ce qu’on pense que l’autre n’est pas prêt à entendre? Voici quelques exemples de ce que nous retient de dire, d’exprimer exactement, avec assertivité, ce qui nous habite. Il est évident que dans certains domaines, chacun peut estimer que ce n’est ni le lieu, ni l’endroit, que le poste occupé ou la hiérarchie imposent de ne pas dire ceci ou cela… ou bien encore que certaines vérités ne sont pas bonnes à dire. Chacun a ses raisons, et certains préfèrent voir leurs mots stagner à l’intérieur d’eux plutôt que de les mettre en mouvement vers l’autre ou en dehors d’eux.
Et pour protéger ces mots, et même parfois les maux qui vont avec, le langage peut être particulièrement efficace. Tout d’abord la langue de bois. La non réponse est parfois plus simple que de s’exprimer vraiment. Combien d’entre nous se sont retrouvés en situation de se dire « Ouf je m’en suis bien tiré, j’ai réussi à ne pas répondre à cette question, à dévier le sujet » ? Car en effet, lorsque nous ne sommes pas préparés, lorsque nous interprétons que notre réponse peut blesser l’autre, lorsque nous sommes soumis au secret ( par un(e) autre ou par nous-même), alors notre réflexe peut être de filouter. Car oui, pratiquer la langue de bois, c’est taire quelque chose, le mettre de côté en espérant le faire oublier.
Mais c’est aussi ne pas réussir à exprimer qu’il y a quelque chose à dire à cet endroit mais que nous ne souhaitons en parler ni plus longuement, ni plus en détail. Pourquoi est-il devenu si difficile de dire « Je ne souhaite pas en parler plus » ou bien « J’ai un avis sur la question mais je préfère le garder pour moi » ? Pouvons-nous nous autoriser à dire « J’ai besoin de garder ça pour moi », ou encore « Je me sens gêné face à ta question et je ne veux pas y répondre » ?
Je pense et espère profondément que oui, mais cela implique peut-être d’avoir assez confiance en soi pour affirmer sa position, parler de soi, et tenir tête au besoin de l’autre de savoir, ce qui n’est pas si simple et peut demander un peu d’entraînement.
En ce qui concerne les émotions, et c’est un regard tout personnel ouvert à la discussion, il me semble que l’émotion est devenue dans certains contextes difficile à exprimer. Et pour la faire vivre malgré tout, sans s’exposer, les insultes et autres agressions verbales ordinaires ont vu le jour depuis longtemps maintenant dans des contextes tout nouveaux.
Attention spoiler : Les lignes qui suivent comportent quelques insultes. En effet les « connards », « petit(e) con(ne) », « enfoiré(e) et autres « tu m’emmerdes », « va te faire foutre » dits avec le sourire et le sentiment profond d’amitié, d’attachement, d’amour sont parfois plus fréquents et plus faciles à dire que les « je t’apprécie énormément », les « tu comptes pour moi », ou les « merci d’être là ».
Ce n’est pas une vérité générale fort heureusement, et peut-être le langage évolue-t-il lui aussi tout simplement. Mais j’invite juste chacun d’entre nous à se poser la question du pourquoi ? Pourquoi remplacer l’un par l’autre ? Etre drôle, utiliser l’art du message paradoxal, semer le doute pour mieux rassurer ensuite ? Etoffer les manières de s’exprimer.
Quoi qu’il en soit, nos mots même s’ils ne représentent pas ce que nous sommes, sont le terreau de nos échanges, de notre compréhension avec l’autre, et permettent de se laisser approcher par l’autre ou au contraire de le tenir à distance. L’adaptabilité est donc primordiale et nous le faisons quotidiennement, tant avec ce qui nous dérange qu’avec ce qui nous convient.
Et vous, qu’est-ce que vous cachez derrière vos mots que vous préféreriez partager ?